Mallorca, l’île du van ?

Évacuons tout de suite ce titre en forme de boutade, oui il y a du vent en avril à Majorque et, non, il n’y a pas beaucoup de vans sur ses routes. En revanche, l’île est fort bien adaptée au format de nos véhicules qui se coulent avec aisance sur un réseau routier sinueux et étroit.
Majorque, c’est quand même près de 900 000 habitants sur une superficie ne représentant même pas la moitié de la Corse. Par comparaison, l’île de Beauté ne compte qu’à peine 300 000 habitants, presque 3 fois moins. Ce qui vous donne une bonne idée de la densité de population, l’une des plus importante d’Europe, même si la ville de Palma absorbe à elle seule presque 450 000 personnes ! Tout ça pour dire que les coins sauvages et inhabités sont plutôt rares à dénicher !

Comme l’île est dépourvue de terrains de camping, forme de villégiature peu prisée car sûrement peu rentable économiquement du point de vue local, il faudra donc considérer le fait de dormir en « sauvage » durant tout son séjour. Ce qui représente une petite gageure dans un endroit si surpeuplé. D’autant que le moindre chemin est propriété privée et qu’il est totalement impossible d’emprunter des chemins de traverse, ceux-ci étant solidement cadenassés et arborant un rébarbatif « Coto Privado de Caza ». (En gros : plus ou moins Chasse Privée)

Oui, mais il y a une arme imparable qui s’appelle Google Earth et son corollaire Street View. Et au prix de nombreuses heures à s’user les yeux derrière son écran on fini par dénicher çà et là des espaces encore vierges et accessibles qu’il aurait été totalement utopique de découvrir sur place, baguenaudant nez au vent.
Donc une solide préparation en amont va nous permettre de définir un circuit qui fera peu ou prou le tour de l’île sans avoir à perdre de temps à rechercher un spot adéquat chaque soir. Une bonne trentaine de possibilités sont ainsi dûment répertoriées, nous permettant d’adapter notre trajet chaque jour.

Nous nous sommes surtout concentrés sur la Serra de Tramuntana, petite chaine de montagne culminant à presque 1500m. d’altitude et qui barre toute la côte nord-ouest de Majorque. Pour avoir fait une brève incursion sur la côte est et au centre de l’île, il semble que se soit la bonne option en avril, tant les paysages rencontrés sont magiques.
En revanche, la route MA-10 qui parcoure toute la chaine en suivant la côte est fortement fréquentée par les… cyclistes !

C’est en effet une route mythique d’un point de vue guidon et, chaque année, des hordes de mollets glabres venus de toute l’Europe viennent s'épuiser sur ses pentes abruptes. Il n’est pas rare de se retrouver coincé derrière un peloton de plus de trente cyclistes ahanant et transpirants sur des pourcentages frisant parfois les 8%. La moyenne tombe alors vers les 10km/h sans réelle possibilité de dépassement. Heureusement, je fais partie de la confrérie du cuissard, je compatis donc devant tant d’efforts tout en regrettant amèrement de ne pas faire partie du peloton !
Nous tournons donc sans réelle originalité dans le sens des aiguilles d’une montre et commençons le périple par une incursion vers Andratx et St Elm, paisible bourgade balnéaire au nord de Palma. Cette partie de l’île a à peu près échappée au bétonnage sans pitié et propose de belle randonnées aux vues époustouflante sur l’île de Sa Dragonera.

Oui, au fait, au delà du cyclisme, l’autre activité sportive majeure d’avril est bien évidemment la randonnée. Et à cet égard, la Serra de Tramuntana est bonne fille puisque elle accueille indifféremment les mollets glabres du cycliste comme ceux plus poilus du randonneur. Constante tout de même aux deux catégories, la majorité est allemande ! Et de loin !
Nous nous sommes procuré l’excellent guide exhaustif des 65 plus belles randonnées à Majorque (Edition Rother, sur Amazon) dont l’écrasante majorité s’étire du sud-ouest au nord-est de la Serra de Tramuntana. Il y a de quoi faire, et en dix jours, nous faisons finalement assez peu, tant la visite des villages et des terrasses nous occupent à notre corps défendant.

Il nous semble que St Elm vaut le détour, et tant qu’à y être, autant se dérouiller les jambes en montant au Monastère de La Trappa contempler un paysage époustouflant et l’une des plus belle vue sur Sa Dragonera. Attention, c’est assez court (2h30/3 heures max.) mais c’est sérieux. Passage final en petite escalade, avec main courante au dessus du vide. Il faut être bien chaussé (on évite les tongs) et un poil en forme, mais quelle récompense une fois là-haut.
Bivouac au bout du chemin carrossable (av. de La Trappa), à côté d’une ancienne ferme en ruine. ( 39°35'24.28"N - 2°21'19.41 "E) Mais d’autres possibilités au nord de la station, du côté de la Punta Blanca…

Nous continuons ensuite, depuis Andratx (aucun intérêt, si ce n’est le ravitaillement) sur la MA-10 vers Estellenc et Banyalbufar. Stop pique-nique, (mais dodo possible) ici. (39°37'51.47"N - 2°25'30.75"E). Attention, pas facile à repérer car le chemin part en contrebas d’un virage de la MA-10. Mais c’est juste après la sortie du tunnel…

Il est à noter que la région de Banyabulfar produit d’excellents vins, notamment à partir d’un vieux cépage tombé un peu un désuétude : la malvoisie. Cave de dégustation à l’entrée du village.
J’avais trois spots pour le bivouac dans ma besace, mais les deux premiers visités, peu avant Valldemossa ne nous conviennent pas. Nous nous rabattons sur la dernière option, un peu difficile à dénicher malgré le GPS, et bingo ! The spot parfait ! Un petit promontoire au bout d’une impasse qui offre un panorama à couper le souffle sur toute la côte.
(39°42'40.27"N - 2°35'3.00"E)

Si bien que nous allons y dormir deux nuits de suite. D’ailleurs, la seconde fois, nous étions à peine installé pour profiter du coucher de soleil, un verre de blanc (Banyabulfar) en main que débarque une voiture de la Policia Local. Petit coup au cœur, je fais un signe interrogatif au policier qui tient le volant, celui-ci me fait un grand sourire, me tend le pouce pour me signifier que tout est OK et effectue un demi-tour de Grand Prix avant de disparaître dans un grand crissement de pneus, nous laissant assez éberlués ! À la réflexion, on s’est dit que ce devait être leur spot clope du soir et qu’ils ont du être aussi surpris que nous de nous trouver là et que, fort civilement, ils ont préféré céder leur place aux touristes, offrant ainsi une fort bonne image de la maréchaussée locale !

Puis ensuite Soller, encore un must de l’île. Mais auparavant, nous faisons halte pour notre premier et rare restaurant du séjour. Recommandé chaudement par le Lonely Planet (dont je me méfie pourtant sur la gastronomie) nous décidons de nous y arrêter. Nous faisons le chemin un peu délicat jusqu’à  Bens D’Avall. Le cadre est enchanteur et l’établissement assez chic nous semble l’équivalent d’un bon étoilé français. Spécialités de l’île, tel que risotto à l’encre de seiche et persevès (un mollusque dont nous nous délections au Portugal) et surtout l’un des plus fin dessert qu’il m’ait été donné de déguster ces dernières années, rien de moins. 3 heures après, la bouche pâteuse, la démarche lourde et le portefeuille un peu dégarni nous nous acheminons vers Soller.

C’est plutôt une grande ville, partagée entre le village d’origine à l’intérieur des terres et le port. Configuration très typique de l’île, dont les villes principales furent bâties à l'écart de la mer pour se préserver des attaques des divers pirates et barbares sévissant il y a quelques siècles. Aludia et Pollença sont construite sur le même schéma. Comme il est un peu tard, nous décidons de rallier directement le spot repéré sur GE qui se situe au port.
Encore une fois bonne pioche, ce bivouac comme bien d’autre eut été insoupçonnable sur place, d’autant que nous errons dans le dédale des rues à cause d’une stupide erreur de bifurcation. Mais la vue est splendide, depuis un minuscule parking en surplomb. Il est d’ailleurs à noter une particularité urbanistique propre à Majorque qui nous a fournis quelques bons spots. Il semble que bon nombre de communes avaient décidé, dans l’euphorie des années fastes, de construire nombre de lotissements haut de gamme qui finalement n’auront jamais vu le jour . Seules les infrastructures d’accès furent effectivement réalisées. Ce qui laisse un réseau de rues ou routes (en très mauvais état maintenant) ne menant nulle part, si ce n’est pour certaines à de jolis spots dodo. Celui de Port de Soller en est encore un exemple…

Après une nuit extraordinairement calme, nous émergeons doucement samedi matin vers 8h30. Seulement troublée par le vacarme infernal des oiseaux, la matinée est limpide. Seulement, au bout de quelques minutes, nous distinguons un ignoble couinement qui jure affreusement avec l’ambiance sonore printanière. Le bruit s’amplifie et se rapproche sans que nous puissions lui donner une origine et une cause. Je descend un bout de chemin pour essayer de distinguer quelque chose, lorsque je vois monter péniblement une affreuse pelleteuse à chenilles qui se dirige droit vers nous. Effectivement, c’est bien à nous qu’elle en veut ! Et un samedi matin un plus. L’engin s’arrête à quelques mètres du Marco et un type hilare en descend. Il m’explique qu’il doit passer justement par CE chemin, mais selon lui, pas besoin de bouger, ça va passer. Bien vu, ça passe comme le prouve la photo ci-dessous.
Le conducteur déverrouille le passage et disparait aux manettes de son terrible engin dans la pampa… Chouette réveil, non ?

Nous filons ensuite vers la partie la plus haute et la plus sauvage de l’île (mais toujours aussi inaccessible en Marco OffRoad). En chemin, à quelques kilomètres de Soller, j’avais repéré une aire de repos pour le pique-nique. Nous nous y arrêtons et découvrons un vaste espace assez aménagé (Barbecues, toilettes) ainsi que le premier camping-car des vacances. Pas mal, mais un peu trop civilisé à notre goût. Un chemin s’enfonce à droite de l’entrée. J’y vais en repérage, m’attendant à l’inévitable barrière et son non moins inévitable « Coto privado de Caza », mais divine surprise, le chemin s’enfonce dans la forêt, ménageant çà et là de superbe points de vues sur la montagne. C’est suffisamment carrossable pour tenter le coup et nous nous installons sous les chênes verts pour déguster nos « empenadas » (avec un blanc de Banyabulfar, c’est le fil rouge du voyage !).
Bien nous en prend, car débarque peut après sur l’aire une trentaine d’équipage de 2CV. Vous imaginez le barouf que peuvent faire une bonne soixantaine de gus suréxités. On est bien plus tranquille à l’ombre. Le spot peut donc facilement être envisageable pour la nuit, je ne pense pas qu’un 4Matic soit indispensable pour y accéder. (39°47'37.44"N - 2°44'46.40 "E).